Les balcons étaient inconnus dans le vieux Bucarest
Le premier balcon apparaît en 1827
Construit par Banul Balaceanu
Fait l'objet d'une grande polémique
Une commission finit par valider la construction
Et établit des régles strictes d'urbanisme
Pendant longtemps, les balcons étaient totalement inconnus dans l'architecture de Bucarest.
C’est uniquement dans la seconde moitié du 19ème siècle que les premiers balcons apparaissent chez les grands boyards qui vivaient dans le vieux centre de Bucarest.
La première maison avec balcon à Bucarest a été construite durant l'été 1827 par le Grand Ban Constantin Bălăceanu sur le pont de Mogoşoaia, aujourd'hui Calea Victoriei, une maison qui n'est plus conservée aujourd'hui.
La maison était proche de celle Filip Lenş (aujourd'hui connue sous le nom de Casa Vernesco) et se trouvait juste en face de la rue où commence l'actuelle rue Nicolae Iorga.
Au-dessus des pièces du rez-de-chaussée, il avait sorti trois poutres à l'extérieur, sur lesquels il voulait faire son balcon d'où il pouvait se délecter à observer la rue, à l'air frais.
Son audace architecturale a donné naissance à un incident juridique conservé dans les archives de l'époque.
À Bucarest, il était interdit, depuis l’époque du voïévode Constantin Ipsilanti de fabriquer des structures qui dépassent l’extérieur du bâtiment, appelées « cicmale ».
Les « cicmale » étaient des structures de maçonnerie construites au-dessus du rez-de-chaussée et qui sortaient vers l’extérieur des façades, à l’instar de ce qu’on rencontrait à l’époque dans toutes les villes orientales, notamment à Istanbul et dans tout l'empire ottoman.
Bucarest étant une ville aux ruelles étroites, or ces structures ombrageaient la rue et empêchaient le passage des calèches, causant de nombreux inconvénients, raison pour laquelle elles étaient interdites.
Les voisins de Constantin Bălăceanu ont été scandalisés de voir que les poutres étaient prêtes pour l'aménagement du balcon et ont déposé plainte auprès du voïvode de l’époque, Grigore Ghica.
Ce dernier a donné l'ordre d'arrêter les travaux et a chargé une commission de grands boyards, en nombre de 20, d'enquêter sur l'affaire.
Les boyards se sont réunis à la cour royale pour étudier les anciennes ordonnances et expliquer comment procéder.
Dans le rapport qu’ils ont présenté au souverain, les boyards montrent qu'ils ont étudié les anciennes dispositions légales, mais qu'ils n'ont trouvé nulle part une interdiction d’ériger des balcons, notant que l’interdiction ne frappait que les « cicmas » et les volets qui se lèvent et qui sortent.
Ainsi, de l’avis unanime des boyards, les personnes qui se sont plaintes ou bien ne savaient pas ce que Constantin Bălăceanu voulait faire, ou alors avaient complètement confondu les « cicma » et le balcon.
En conclusion, ils sont d’avis que la construction ne devrait pas être arrêtée, mais au contraire, "nous trouvons qu’il faut laisser la liberté à Constantin Bălăceanu et à tous ceux qui souhaitent avoir un balcon au long du pont (Podul Mogoşoaia)", car ils ornent et embellissent la ville.
Le rapport des boyards montre qu'il s'agit d'un balcon et que le balcon non seulement ne cause aucune gêne, mais "orne et embellit la ville, comme dans les plus grandes et les plus belles villes d’Europe, d'où le balcon est venu.
En revanche, les boyards recommandent de suivre des règles de hauteur et de drainage de l'eau afin de ne pas nuire aux intérêts des voisins et de ceux qui traversent la rue.
Ceux qui feront des balcons seront obligés de les construire à deux hauteurs au-dessus du niveau de la rue, d’avoir des gouttières à l’avant-toit et des bacs en tôle sous le balcon, pour que l’eau coule sur la chaussée "sans déranger les passants et sans faire couler l'eau de pluie sur la tête des promeneurs à pieds ou en calèche ».
Les propriétaires peuvent être autorisés à construire des balcons juste en dessous de cette hauteur, mais pas dans la rue, mais dans leur cour.
Et ceux qui ne respecteraient pas ces règles, se verront démolies leurs constructions, sans la moindre exception.
S’appuyant sur ce nizam (ordre) et ordonnance royale, Constantin Bălăceanu et Nicolae Trăsnea construisirent des balcons dans leurs maisons, en revanche ceux de Mihail Manu sur Podul Caliţii (Calea Rahovei aujourd’hui), qui gênait et mouillait les passants, les remplissant d’eau par temps de pluie" furent cassés.
C'est ainsi qu'apparut le premier bâtiment avec balcon à Bucarest, construit par Contantin Bălăceanu. Et c’est ainsi que, il y a deux siècles, toutes les décisions concernant le développement urbain de la capitale étaient prises.
Sources: Article par Adriana Oprea, 6 Janvier 2019
Cet épisode est également relaté par George Potra, dans son livre "Le Bucarest d’hier".